Photo: Geoffrey
Cain/IRIN |
Chez
bon nombre de Vietnamiens, les effets de l’agent orange continuent de
se faire sentir |
DANANG, 12 avril 2010 (IRIN) -
"Lorsque des avions américains ont répandu un nuage orange au-dessus de
la jungle, autour de lui, pendant la guerre du Vietnam, Tran Thanh Dung
ne savait pas que 40 ans plus tard, ses enfants en souffriraient encore.
Alors enfant soldat, il combattait dans les rangs du Viêt-Cong,
mouvement de guérilla communiste du centre du Vietnam.
« Les avions américains sont arrivés droit sur moi et ont largué un
nuage au-dessus de la jungle, et le lendemain, les arbres étaient morts
», se souvient-il. « Nous n’avions pas peur. Nous étions perplexes ».
M. Tran a été aspergé d’agent orange, un herbicide utilisé dans les
années 1960 et au début des années 1970 par l’armée américaine au
Vietnam et au Laos pour détruire les feuillages, afin que les forces
communistes ne puissent pas se cacher dans les forêts.
Ce défoliant contenait de la dioxine, une substance chimique qui
provoquerait des anomalies congénitales chez les enfants des personnes
exposées, selon les experts de la santé. Aujourd’hui, le fils de M.
Tran, âgé de 18 ans, souffre de spina bifida, une affection causée,
d’après les médecins, par l’exposition de M. Tran à la dioxine au début
des années 1970.
Les enfants victimes comme son fils ont « été oubliés », selon M.
Tran. Il souhaite que le gouvernement américain dédommage les familles
des soldats vietnamiens des effets de l’épandage. « Les problèmes de la
guerre ne nous quitteront jamais », a-t-il déploré.
L’héritage du drame
Les Etats-Unis ont épandu quelque 75 millions de litres d’agent
orange dans l’ensemble du Vietnam, selon une étude du Government Acountability Office, organisme d’investigation du
Congrès des Etats-Unis. La majorité du défoliant a été épandue dans les
provinces du centre et du sud du pays, dévastées par la guerre.
Selon les estimations du gouvernement vietnamien, pas moins de 400
000 personnes ont succombé à des maladies provoquées par l’exposition à
la dioxine, telles que le cancer.
Le gouvernement estime également que 500 000 enfants présentent des
anomalies congénitales, telles que le spina bifida, parce que leurs
parents ont été exposés à cette substance.
Le gouvernement américain, pour sa part, continue de nier tout lien
entre la vaporisation directe d’agent orange sur les populations, comme
ce fut le cas de Tran, et les maladies qui touchent les Vietnamiens.
Les autorités américaines admettent toutefois qu’un être humain peut
tomber malade après avoir ingéré de l’eau ou des légumes contaminés.
« Le gouvernement des Etats-Unis recommande un usage sensé de la
science », a dit à IRIN Jim Warren, porte-parole de l’ambassade
américaine à Hanoi, en allusion à un supposé manque de preuves
démontrant l’existence d’un lien tangible entre certaines maladies et
l’exposition à la dioxine.
Des progrès
D’autres estiment que des progrès ont été accomplis sur la question
de l’agent orange depuis que les Etats-Unis et le Vietnam ont normalisé
leurs relations, en 1995.
En 2007, le gouvernement des Etats-Unis et la Fondation Ford, une
organisation non gouvernementale (ONG) new-yorkaise, ont en effet
commencé à financer des opérations de décontamination à l’aéroport de
Danang, un site qui compterait parmi les plus contaminés du Vietnam.
Photo: Geoffrey Cain/IRIN |
Un centre pour enfants atteints de handicaps (dont
bon nombre ont été causés par l’agent orange), financé par le
gouvernement |
Danang est la quatrième ville du Vietnam et une des plus pauvres du
pays. Pendant les années 1960, l’armée américaine se servait de
l’aéroport comme zone de stockage de la dioxine, qui s’est ainsi
infiltrée dans les sols et les réserves d’eau locales.
Mais même cette opération de décontamination ne permet toujours pas à
certains fermiers de cultiver les terres contaminées, un facteur qui,
selon bon nombre de personnes, entrave le développement économique du
centre du Vietnam, une région dévastée par la pauvreté.
« Dans certaines zones, désignées comme points chauds, telles que
Danang, les populations ne peuvent pas exploiter les terres à des fins
agricoles », a dit Vo Quy, ancien directeur du Centre pour la gestion des ressources naturelles et l'étude environnementale de l’Université d’Hanoi, situé dans la
capitale.
« Les terres et les forêts sont importantes pour notre pays, et les
habitants dépendent de la nature pour vivre. Il est très difficile pour
eux de gagner leur vie dans ces régions ».
Les enfants menacés
L’évaluation réalisée en 2009 par un entrepreneur canadien a
néanmoins permis de déterminer que la décontamination avait «
considérablement » réduit l’exposition humaine. La majeure partie du
projet de décontamination devrait commencer cette année.
Malgré tout, d’autres déplorent que le bilan humain de la dioxine
demeure.
A Danang, quelque 5 000 personnes, dont environ 1 400 enfants,
pourraient être atteintes de maladies causées par leur exposition à la
dioxine, selon l'Association des victimes de l'agent orange/la dioxine de Danang, une ONG vietnamienne qui dirige des centres de
réhabilitation où sont soignés 100 enfants handicapés.
Selon Nguyen Thi Hien, la présidente du groupe, on ne consacre pas à
cette question les fonds qu’elle mérite.
La position du gouvernement consiste à dire que de nombreux
habitants ont souffert après avoir été exposés au défoliant.
« Nous avons besoin d’une aide bien plus importante de la part des
bailleurs étrangers », a dit Mme Nguyen, ajoutant qu’elle était déçue de
constater que les Etats-Unis « n’injectaient pas assez de fonds pour
aider directement les victimes ».
Le gouvernement américain a versé un million de dollars pour aider
les victimes, sur une enveloppe d’aide de trois millions de dollars
consacrée à Danang.
L’intégralité de ces trois millions de dollars a été versée à trois
ONG : la Fondation East Meets West, Vietnam Assistance for the
Handicapped (VNAH), et Save the Children. Les projets doivent permettre
d’offrir des services « sans s’intéresser à la cause des handicaps », a
dit à IRIN David Moyer, porte-parole assistant de l’ambassade des
Etats-Unis à Hanoi.
« Les Etats-Unis ont versé plus de 46 millions de dollars depuis
1989 pour aider les Vietnamiens handicapés », a ajouté M. Moyer."
gc/ds/mw/nh/ail
www.irinnews.org/fr/ReportFrench.aspx?ReportId=88786